Depuis toujours, à Monaco, il y a plus de monde au Casino de Monte-Carlo qu’au stade Louis II lorsque l’ASM joue à domicile. Ce n’est que progressivement, en revanche, que les spectacles sur tapis vert s’y sont ressemblé étrangement.
Il y a évidemment la couleur de la surface de jeu, pour commencer. Sans doute, pour la pelouse on n’avait guère le choix – mais pour les tapis de poker, roulette, blackjack, etc., le vert ne fut pas un choix aléatoire. L’historien des couleurs Michel Pastoureau (in Le petit livre des couleurs) nous apprend que si le pigment vert a toujours été facile à obtenir (mille sources dans la nature), la couleur a revanche toujours été délicate à stabiliser. Qu’il s’agisse de peinture à la Renaissance, ou des premiers Polaroïds, le vert est longtemps demeuré une couleur périssable, dont on peinait à prévoir l’évolution une fois qu’on l’avait appliquée sur un support. Sur la toile il variait volontiers, de manière assez aléatoire, pouvant aller jusqu’à noircir ; sur le papier photo c’était la couleur qui s’estompait en premier. Bref, couleur chimiquement instable, elle est devenue symbole de l’instabilité – elle est la couleur de ce qui est incertain, hasardeux. Avec les deux facettes du hasard : couleur de la chance, de l’espoir, mais aussi de l’infortune, de l’incertain, de l’inquiétant (les petits hommes verts) – et il parait encore que les bijoux verts (qui se vendent moins que les autres) portent malheur.
Le tapis de jeu ne pouvait être que vert (et jeu de hasard >> jeu d’argent >> dollar).
Le tapis du Louis II semble avoir absorbé lentement mais surement toute la symbolique négative de l’hasardeux – et même, toute forme de hasard semble disparaître petit à petit. Ainsi, depuis le début de la saison, il vaut mieux parier au stade. Irrémédiablement, depuis août, les jeux sont faits et rien ne va plus : c’est perds, passe et manque.
Pour remédier à cela, Monaco a recruté un riche immigré italien supplémentaire ; le consultant le moins compréhensible de toute l’histoire de Canal+, Marco Simone, est désormais le croupier de l’équipe. Un pot (de gel) a été organisé à son arrivée, mais il est clair et net que les joueurs ont les j’tons, et que plus ils s’enfoncent, plus ils jouent pour se refaire, et plus ils s’enfoncent. Peut-être que la roue va tourner.
En attendant, les supporters sont verts de rage. Pour ceux qui portent encore le maillot rouge au stade, ça fait un beau rapport de complémentaires.