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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 12:24

nice lilleJe n’ai pas publié l’article hier mardi. Je voulais attendre la victoire de Nice, raconter que les Aiglons ont été héroïques, que contre toute attente ils ont éliminé le favori, la meilleure équipe de France ; je voulais dire que j’y étais. Mais Hazard a calmé tout le monde à la 44e, avant que Gervinho ne rappelle qu’il faut être concentré dès qu’on entre sur la pelouse : 2 – 0 dès la première minute de la seconde mi-temps. Mes voisins de derrière n’étaient même pas revenus de la pause sandwich. Cela dit, la soirée au stade fut belle. Bien sûr, aller au stade c’est génial en soi, Mais aller au stade de sa ville, surtout quand c’est un petit stade, un club moyen, c’est particulier et c’est peut-être même encore mieux. Récit.

Foot et identité # 2

L'arrivée au stade

Comme tout stade qui se respecte, le Ray est un stade moche. Seuls les architectes contemporains, les politiques et les présidents-entrepreneurs envisagent de construire des « beaux » stades – comme si un stade s’appréciait de l’extérieur! Un stade est une antre ; il faut traverser une frontière fermée, il faut des billets, il faut s'y être pris à l'avance, s'être organisé pour venir ou pour se garer, pour en apprécier la beauté. Un stade ce doit être du béton moche au cœur des villes, ce doit être, aux yeux de ceux qui ne vont pas au stade, un batiment comme un autre. À Nice c'est parfait : vous passez de l'avenue du Ray aux tribunes du stade du Ray quasiment sans transition (si ce n’est la seule qui vaille : l’étape intense et perturbée de la foule qui se presse pour rejoindre les gradins).

Un stade ne se regarde que de l’intérieur. C’est un endroit replié sur lui-même, réservé à ceux qui partagent moins le spectacle qu’ils ne le coproduisent. Hier le Ray était en fusion – toutes les tribunes étaient impliquées. Même le coin réservé aux visiteurs était rempli de Lillois joyeux et dynamiques. On avait pu en croiser quelques uns, dans l’après-midi ; on ne les reconnaissait pas seulement parce qu’ils étaient très blancs : les naïfs étaient surtout trop couverts, ils suaient sous leurs gros pulls à capuche à l’effigie des Dogues.

Comme avant

Cela faisait au moins dix ans que je n’étais plus allé au Ray ; rien n’a changé cependant. J’ai croisé des gueules vaguement connues, et mêmes précisément reconnues – deux fois on m’a dit : « Jean Rostand ? » 

Jean Rostand, c’est-à-dire le collège où j’avais côtoyé ces deux types. Nice est la cinquième ville de France et il n’est pas spécialement fréquent de croiser une tête connue – sauf au stade. La communauté footballistique niçoise est assez réduite, et elle est très cohérente. Les gens se ressemblent plus ou moins, ou plutôt, tous ont un air de déjà vu. La population de sportifs amateurs se croise sur les terrains et les tournois tout au long de l’année, elle se connait, elle se comprend, elle se fait la bise.

En attendant votre cousin et vos potes à un endroit différent de celui où eux vous attendent, vous entendez des discours comme celui-ci : « sans déconner, si ils me laisseux pas rentrer je forceu le passage, moi » (alors qu’il est certain que le type a un billet, et qu’il n’y a absolument aucune raison qu’on lui interdise l’accès au stade), ou encore comme celui-ci : « écoute, ce soir je le sens bien » (auquel un autre répond : « ne va pas nous porter la schkoumoune, va »).

Au stade, on est à la maison.

Issa Nissa

Les nombreux maillots endossés par les supporters sont plutôt floqués au nom des porteurs, et rarement au nom des joueurs professionnels (et pour cause). Cela dit, là où un spectateur pinsout s’attendrait à lire quelques Rémy, on remarque plutôt des Balmont, et des Rool. Cela révèle l’identité des supporters Niçois : on aime voir des joueurs batailleurs qui réalisent des « montées rageuses », pour reprendre l’expression de mon voisin de derrière. Si Digard et Civelli restent et continuent à jouer ainsi, on verra des Digard et des Civelli sur les maillots l’an prochain.

Nice a bien joué. Lille a juste été plus fort. Les joueurs ont voulu égaliser ; l’entraîneur a fait les changements qu’il fallait ; on doit faire avec un avant-centre moyen mais c’est comme ça ; on a malgré tout touché la barre – bref, l’équipe a tout donné et même le journal lequipe.fr en convient : « Ce n'est pas faute d'avoir poussé, encouragés par un Stade du Ray comme on ne l'avait plus vu depuis 20 ans ». Je ne sais pas comment ça se passait il y a vingt ans, mais je crois bien qu’hier le stade était vivant comme jamais. Derrière chaque but encaissé, la volonté de pousser. Autour de nous, des réactions, des invectives, des blagues pas toujours drôles. L'ambiance parfaite.

Monsieur Adil Rami s’est rabaissé à narguer les supporters en sortant du terrain, mais impossible cependant de ne pas trouver, au terme de la rencontre, un motif de satisfaction : il faut se réjouir qu’à la fin d'un match perdu, des applaudissements aient été adressés aux joueurs en général et à Letizi en particulier (l’emblématique gardien niçois réalisa sans doute son dernier match). Pas de ressentiment illégitime, pas de caprice de mauvais perdant : ça avait joué au ballon. On regrettera sans doute l’entrée en matière prudente, voire craintive, des joueurs, mais enfin on s’est senti Niçois parmi les autres Niçois, on a sauté parce que sinon on n’était pas Niçois, on s’est levé et on a vibré un bon nombre d’occaz’, le parcours en Coupe de France a été valeureux, on est parti avec l’envie de faire entre nous un match bientôt. La magie du stade a opéré.

 

 

 

 

Source image: http://www.sport24.com/football/coupe-de-france/actualites/lille-s-offre-une-finale-468559/

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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 14:05

drapeaux.jpg 

C’est à mes yeux la question philosophique concernant le sport la plus fascinante : comment le sport en général – et le foot en particulier – peut-il cristalliser ainsi des passions identitaires ?

Incipit à cette problématique qui sera le fil rouge de cette année 2011 sur Les deux pieds décollés :

« Ce qui donna au sport une efficacité unique comme moyen d’inculquer un sentiment national, du moins pour les hommes, c’est la facilité avec laquelle les individus les moins politisés et les moins insérés dans la sphère publique peuvent s’identifier avec la nation symbolisée par des jeunes qui excellent dans un domaine où presque tous les hommes veulent réussir ou l’ont voulu à une époque de leur vie. »

Eric HOBSBAWM, Nation et nationalisme depuis 1780.

Rien qu’avec ça à développer et commenter, je tiens un an. Mais Hobsbawm, qui a publié son ouvrage en 1992 (Gallimard, « folio »), ne s’arrête pas là :

« La communauté imaginée de millions de gens semble plus réelle quand elle se trouve réduite à onze joueurs dont on connait les noms. L’individu, même celui qui ne fait que crier des encouragements, devient lui-même le symbole de sa nation. »

Quand est-ce que les Français ont massivement acheté des drapeaux français (non pas spécialement des maillots ou des écharpes de foot) ? En 2006, suite à l’élimination de l’Espagne puis après celle du Brésil.

Allons maintenant au bout de la citation :

« Je me souviens d’avoir écouté nerveusement à la radio la retransmission du premier match international Angleterre-Autriche, qui se déroula à Vienne en 1929. Les amis chez qui j’étais avaient juré de se venger de moi si l’Angleterre battait l’Autriche, ce qui semblait très probable. Seul Anglais présent, j’étais l’Angleterre, comme ils étaient l’Autriche. Et c’est de cette façon que des enfants de douze ans étendent le loyalisme envers une équipe au loyalisme envers une nation ».

En méditant cela, on peut même comprendre les supporters des tribunes Auteuil et Boulogne, la Brigade Sud, et autres clubs de supporters qui ont été dissouts.

Les réflexions menées dans la rubrique « foot et identité » consisteront à accomplir l’un des objectifs des Deux pieds décollés : envoyer les grincheux qui snobent le sport dans les cordes.

 

 

 

 

 

Source image : http://www.autopsie-lesite.com/


 

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