Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 10:52

allo-benzema.jpg 

« Indignez-vous »…

« Chantez la Marseillaise »…

« Aimez-vous les uns les autres »…

Mais vous allez laisser les gens tranquilles, oui ? J’suis loin d’être pro, mais si j’avais été pro, et si j’avais été sélectionné, eh bien j’aurais été extrêmement heureux, mais voyez-vous, j’aurais pas chanté la Marseillaise; il y a que je chante faux, que je sais pertinemment que je chante faux au point d’avoir l’air bête quand je chante, et d’ailleurs bien des joueurs ont l’air bêtes quand ils chantent la Marseillaise, à cause de ces putains de caméra qui sont à dix centimètres de leur tronche, en contre-plongée pour leur donner je ne sais quelle allure, enfin bref je n’aurais pas chanté, et plus on m’aurait dit « chante », moins j’aurais chanté. Y a mille raisons de ne pas vouloir chanter (pudeur ? Opinions politiques ?) mais elles ne sont même pas le sujet. Plus attendues sont les raisons au nom desquelles on exige que les joueurs devraient chanter, alors même qu’ils ne sont pas au Bistrot des familles où le patron monte le son quand y a les hymnes et où tout le monde est déjà un peu bourré car il fallait arriver tôt pour avoir une place.

Chanter pour « prouver son attachement à la France » ? Pour « montrer l’exemple aux jeunes » ? Tout cela ne tient pas vraiment, mais aurait sans doute mérité de l'attention, si des arguments avaient été développés (démonstration de la nécessité d'être attaché à la France d'une certaine façon pour que la sélection soit légitime ; mise en place d'un rapport de causalité entre l'attachement à la France et le fait de chanter la Marseillaise ; etc.).

Mais Jérôme Béglé n'a pas pris la peine de s'engager là-dedans. Il a trouvé bien pire, comme argument : « chanter, plutôt qu’ouvrir sa gueule alors qu’on ne marque plus »… On appelle cela l’argument ad hominem : pour critiquer l’opinion d’une personne, s’en prendre à la personne elle-même. Ainsi a fait Jérôme Béglé. En substance : « Tu ne chantes pas toi qui ne marques même plus ? » Tu ne chantes pas, toi qui es tellement payé ? »

Mais quel est le putain de rapport?

Connerie satisfaite

Et cette stratégie se prolonge chez ceux-là mêmes qui critiquent le rédacteur en chef de lepoint.fr – ainsi dans le nouvel obs : Jérôme Béglé ne devrait pas être pris au sérieux alors qu’il y a quelques temps, il a défendu Depardieu !

Ainsi partent en sucette, et ne sont jamais réglés, bien des débats en France: on ne confronte pas les arguments, on préfère dénigrer les personnes, et puis voilà, l'actualité passe à autre chose.

Je pose la question : y a-t-il, dans le texte de Jérôme Béglé, le moindre argument au nom duquel Benzema devrait chanter la Marseillaise ? Pas l’ombre. Mille remarques sur son niveau actuel, son salaire où je ne sais quoi, mais rien qui ne prenne la peine d’expliquer en quoi le chant de la Marseillaise devrait inconditionnellement faire partie d’un espèce de package « sélection ».

Car après tout, pourquoi pas ? Il n’est pas interdit d’avoir cette opinion! Tant qu’elle n’est pas violemment diffamatoire, il ne devrait d’ailleurs être interdit d’avoir aucune opinion. Mais Monsieur Béglé est sans doute trop satisfait, trop sûr de sa thèse, pour daigner montrer qu’il y a des bonnes raisons de la soutenir.

C’est comme ça, la France : chantres de la tolérance, on se veut tellement « humanistes » qu’on ne veut même plus entendre parler de thèses a priori intenables, et qu'on ne prend même plus la peine d'expliquer en quoi nos thèses sont valables et susceptibles d'emporter l'adhésion.

On dit « mais comment pouvez-vous refuser de chanter la Marseillaise » comme on dit « mais comment pouvez-vous être pour la peine de mort » : avec un ton offusqué empreint de pureté, d’esprit d’ouverture hypocrite, dans l’incapacité de considérer qu’on n’est pas nécessairement dans le vrai, et en l'occurence, en oubliant que des gens autrement plus intelligents que nous (Kant, Rousseau et cent autres) ont défendu la peine de mort – et cet état d’esprit, cette incapacité à assumer jusqu’au bout la liberté d’opinion tout en étant convaincu de prêcher la bonne parole, évidemment elle contamine des choses au fond assez superficielles ; Benzema, ce salop privilégié, comment ose-t-il ne pas chanter la Marseillaise ? Mais est-ce effectivement intéressant, comme question ?

Et je me répète : pourquoi le ferait-il, Benzema ? Pour « prouver qu’il aime le maillot » ? En quoi chanter la Marseillaise prouve qu’on aime le maillot plutôt que ça ne prouve qu’on est un connard opportuniste ? Chanter la Marseillaise ne peut-il pas « prouver », aussi, qu’on a une vision archaïque de la nation ? N’est-ce pas le fait d’exiger que la nation soit « aimée » qui est insupportable ? « La France tu l’aimes ou tu la quittes », avions-nous entendu. Il faut avoir une bien piètre estime, une bien pauvre définition de ce qu’est « l’amour » pour exiger des gens qu’ils l’éprouvent à propos de quoi que ce soit (un pays, ses voisins, les peuples du monde). On peut demander le « respect » d’autrui ou des institutions, car le respect est une valeur démocratique que l’on peut se forcer d’appliquer – mais l’amour ?

Qu’on arrête un peu de vouloir sonder le cœur et l’esprit pour exiger je ne sais quoi – les motivations profondes des gens, on ne les connait jamais, et c'est bien heureux. 


Partager cet article
Repost0

commentaires

Chroniques Hebdomadaires

  • : Deux pieds décollés
  • : Le football est une affaire sérieuse. Donc, il faut en rire. Un article par semaine.
  • Contact

Texte Libre

Recrutement (Rechercher)

Texte Libre