Android a sorti récemment une application audacieuse : « Mon fils est-il gay ? » propose aux mamans d’avoir une réponse à cette question. En répondant à vingt questions qui concernent le gamin (et un peu les parents), la mère saura.
A priori, j'ai pensé que l'appli pouvait être drôle. Malheureusement, elle est très premier degré, et malgré une ou deux questions plutôt pertinentes (« Aime-t-il les chanteuses divas – Dalida, Mylène Farmer… ? ») on remarque tout de suite que l’appli ne parvient même pas à éviter, en 20 questions seulement, d’être non seulement hors sujet, mais redondante.
Je passe sur la question 13 (« vous posez-vous des questions sur l’orientation sexuelle de votre fils ? »), parce que si la mère répond non alors qu’elle a téléchargé l’appli, elle est en pleine contradiction performative ou je ne m’y connais pas.
L’appli relaie des préjugés tenaces (pratiquer un sport d’équipe, s’être battu, bien s’entendre avec son père confirment l’hétérosexualité) ; ça, on pouvait s’y attendre. Mais pourquoi autant de questions inutiles et insistantes sur le sport ?
La question numéro 2 est : « aime-t-il le football ? »
La question numéro 5 est : « lit-il des journaux sportifs ? »
La question numéro 7 est : « aime-t-il les sports d’équipe ? »
C’est même pas des répétitions, c’est des pléonasmes. Les réponses « oui » aux questions 2, 5 et 7 vont évidemment dans le même sens – dans le sens qui rassure la mère (résultat hétéro : « Vous n'avez pas de soucis à vous faire, votre fils n'est pas gay. Il y a donc de grandes chances pour que vous soyez grand-mère avec toutes les joies que cela procure ». Le plus marrant reste quand même le discours de l’auteur de l’appli, qui n’a pas dû relire cette phrase lorsqu’il a affirmé qu’il dédramatisait la question de l'homosexualité).
Quitte à interroger le rapport de l’enfant au sport, on pouvait diversifier les approches ; demander, par exemple, si l’enfant possède le calendrier du XV de France ; s’il adhère à la philosophie du ministre David Douillet, dont l’esprit est tellement fin qu’on doit plutôt dire étroit (il a déclaré avec un bouleversant premier degré : « On dit que je suis misogyne. Mais tous les hommes le sont. Sauf les tapettes. ») ; des trucs comme ça.
Aucun intérêt, aucune nuance, aucune ironie : aucune pertinence, décidément, cette application.
Aucune question directe pour trancher le débat. Par exemple : le chevalier Shun de la constellation d’Andromède était-il son préféré ? (La question de savoir si c'était Ikki de la constellation du Pheonix ne permet pas une interprétation incontestable.)
Bien sûr, plus sérieusement, le débat autour de cette application était l’occasion de s’interroger sur le rapport foot / homosexualité. Il y avait de la matière : la curiosité étrange, pas très saine, des journalistes quant à la sexualité de Gourcuff, les pubs combattant l’homophobie dans les stades, etc.
Mais parce que j’estime que cette application – en dépit de la nullité des questions et de la formulation dramatique des résultats – n’est ni plus ni moins débile que mille choses existantes (appeler le 32800 pour savoir si vous êtes faits l’un pour l’autre ; inscrivez-vous gratuitement pour rencontrer des petites putes russes seules et désespérées ; cliquez pour gagner un Ipad vu que vous êtes le millième visiteur ; quel est le programme du jour si vous êtes verseau, etc.), eh bien je vais plutôt proposer, moi aussi, une application.
L’application s’appelle : « Mon fils est-il supporter du PSG ? »
Sortie exclusive : demain, sur les Deux pieds décollés.
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