1 – 6, ça ressemble sans doute à une tannée. On peut même se moquer : jeu, set et match, etc.
En plus à Old Trafford, et tout et tout.
Je les ai entendus, les commentateurs qui parlaient d’un tournant dans le championnat, d’une date potentiellement historique, parce que jamais Manchester n’avait pris une telle tannée contre l’éternel rival, parce que ça faisait je ne sais combien de matchs qu’ils ne perdaient plus à domicile, parce que peut-être City est un train de devenir un grand club, etc.
Sauf que la vérité la voilà : Ils jouaient pour United, les héros du match. Pourquoi ils prennent six pions ? Parce qu’à 0 – 3, à la 75ème, ils jouent pour faire 3 – 3. Ils ne serrent pas le cul dépités, ils ne jouent pas pour « limiter la casse ». Ils y croient encore.
Et lorsqu’ils marquent, ils ne sauvent pas « l’honneur ». Ça c’est un truc de commentateur français, ça. Un truc de championnat de France, où ma foi, quand t’as sauvé l’honneur, ben c’est bien, t’as sauvé l’honneur.
A Manchester on sait que 1 – 3 ou 0 – 3 c’est pareil.
Les défaites qui font mal, ce ne sont pas les six buts à un. Perdre 0 – 1 à la 92ème, alors que t’as dominé tout le match, que t’as touché le poteau, que t’as eu un but injustement refusé – et encore, même pas : perdre 0 – 1 tout court dans les arrêts de jeu contre l'ennemi juré, ça c’est rude. Ça t’en rêve la nuit, tu ressasses l’occaz’ que t’as manquée, la passe trop appuyée, le contrôle trop long, la frappe sur la barre.
Manchester joue à 10 ? Ils sont déjà en train de prendre lourd ? Ils font rentrer Chicharito, ils jouent à trois derrière, ils mettent toute l’intensité possible dans le jeu, quitte à accumuler les jaunes.
6 – 1, ça excite tout le monde. Mais il faut que quelqu’un dise qu’ils étaient à United, les vrais de vrai. Personne ne perd 6 – 1 à domicile, en France. Les équipes ne sont pas assez fortes pour perdre 6 – 1 ; c’est-à-dire, pas assez fortes pour risquer de perdre 6 – 1.
Ceux qui ont regardé le sport à la télé ce matin et cet aprem' ont vu des modèles d’engagement.
Ce matin et cet aprem', les mecs qui ont perdu ont montré ce que signifiait « la tête haute ».
Qu’on ne me parle pas de City, de All Black, de victoire ou de défaite. Qu'on me parle de sport, qu'on me parle d'intensité, qu'on me parle de gnac.