Le maillot third est dessiné dans un évident souci d’originalité, pour ne pas dire de distinction : étant le maillot porté lors des matchs de Coupe d’Europe, il doit être « pas comme les autres ».
C’est-à-dire : il ne doit ressembler ni aux classiques, aux banals maillots domicile ou extérieur, ni à n’importe quel autre maillot du monde. Jouer la champion’s league, c’est quand même spécial, et on ne va pas non plus le faire avec son maillot traditionnel, sobre et élégant, aux couleurs du club.
Des designers se creusent donc la tête en début de saison pour nous pondre des maillots dont la mocheté est aussi évidente qu’insupportable. Pour parvenir un degré de laideur complètement original, les créateurs prennent leur carnet d’échantillons de couleurs et en choisissent une parmi celles qui :
- n’ont encore jamais été choisies par aucun club
- n’ont encore jamais été choisies par quoi que ce soit dans quelque domaine que ce soit
- passent mal à la télé
- passent mal en vrai
- ressemblent le moins possible aux couleurs qui identifient le club
- ressemblent le plus possible aux vestes des stadiers
Personne ne s’est dit que si certaines couleurs n’avaient encore jamais été choisies, pas même dans le championnat allemand, ce n’est pas pour rien ?
Même les nouveaux maillots des arbitres sont mieux que les maillots third. En ligue des champions on a parfois eu l’impression de voir des matchs entre stabilos.
Même parmi les supporters les plus acharnés, même parmi les collectionneurs les plus méticuleux, on rencontre des sceptiques.
En cette période d’avant saison, les clubs dévoilent leur maillot third, et franchement c’est carnaval.
Et puis même ceux qui font sobres (pour être plus originaux) : arrêtez un peu de prendre les gens pour des cons, parce que sortir son maillot spécial en ligue des champions et prendre un gros tarif contre le Barça, ce n’est pas très glorieux. Quant à Barcelone, qui a lancé la mode en 1992 (Koeman ci-dessus. Source : mes vagues souvenirs), eh bien en remportant des coupes avec des maillots comme ça, on gâche les albums de souvenirs. La succession de maillots bariolés sera moins belle - et même moins étonnante - qu’une simple et noble évolution des formes, des dessins, des styles et des modes, davantage remarquable lorsque les changements (dont je ne conteste pas la nécessité, bien sûr) s’opèrent dans une certaine continuité : celle des couleurs.
Les maillots du passé sont drôles, sans doute, parfois, parce que même sans exubérance initiale, le temps qui passe se charge de rendre amusantes les modes passées, mais le regard rétrospectif, lorsqu’on voyage en ballon, charge ces vieux maillots d’une valeur vintage précieuse.
Mais avec ces maillots third déjà kitchs, qui ne retiennent que le pire aspect des tendances éphémères, et la plus risible des caractéristiques de l’événementiel, eh bien les clubs vont jusqu’à sacrifier un marqueur fort de l’histoire des clubs à d’inutiles et maladroits objectifs commerciaux.